Nouvelles de Dakar Le magazine des Dakarois
Avant de venir s’établir au Sénégal, le jeune rappeur n’avait jamais dévoilé ses textes au public, ni même songé à devenir un artiste accompli. C’est lors d’une rencontre avec Ken Aïcha Sy, la fondatrice de Wakh’Art (qui signifie « parler d’art en wolof »), que naît son désir de faire connaître sa musique.
« J’écris pour moi même depuis que je suis très jeune. Le rap c’était thérapeutique pour moi. Et puis Ken Aïcha m’a dit un jour ”ton art ne sera pas vivant tant que les gens ne l’entendront pas”. C’est elle qui m’a mis le pied à l’étrier. »
Étudiant en école de commerce à Lille puis à Paris, il était simplement venu pour passer quelques jours de congés au Sénégal. Finalement conquis par « le pays du oui », comme il aime à le surnommer, Moulaye ne repartira plus.
« J’ai vu qu’il y avait pas mal de choses à faire ici, notamment en terme de développement de la culture au près de la population. J’ai tout de suite accroché. »
Il poursuit ses études à Dakar et monte en parallèle un label de musique, nommé Wakh’Art Music (WAM), en collaboration avec Ken Aïcha Sy, qui devient alors sa manager. Le label est fondé sur les principes de Wakh’Art, c’est-à-dire considérer la culture comme facteur de développement.
WAM est un projet qui se veut aider les nouveaux rappeurs sénégalais talentueux à percer dans le milieu et surtout à se faire connaître du grand public… Car le constat de la fondatrice de Wakh’Art, c’est d’abord la non connaissance des Sénégalais du patrimoine culturel qui règne dans leur pays.
« Il y avait de l’espace à occuper, notamment sur la communication, sur comment mettre en avant les artistes en utilisant le digital par exemple. »
Aujourd’hui, le label a fait du chemin. L’album de Moulaye, intitulé Epik, est le neuvième projet produit par la structure. Avant ça, le label a permis aux artistes de se produire en festival, de réaliser une trentaine de clips et d’acquérir une renommée internationale, notamment en France où Wakh’Art Music a établi des partenariats avec des radios régionales. Rythmé par les percutions africaines et romancé par des métaphores, l’album de Moulaye retrace son parcours au Sénégal. Chaque morceau est réalisé par un producteur différent. Une atmosphère particulière s’en dégage. Moulaye rappe en français, anglais et wolof.
« Pour moi l’album c’est 11 clichés,
11 photos de mes deux dernières années au Sénégal. »
Quelques musiques au champ lexical belliqueux pourraient laisser dubitatifs certains, surtout lorsque Moulaye confie qu’il s’agit des joies et découvertes qu’il a vécu à travers le Sénégal. En réalité, le vocabulaire « guerrier » dont il use dans ses textes fait référence à l’atmosphère quelque peu délétère qui règne dans le milieu du rap sénégalais ces dernières années, notamment à cause de la mise en concurrence perpétuelle des chanteurs entre eux.
« Dans le rap, c’est comme ça, tout le monde se lance des piques sans cesse, tout le monde est tout le temps en compétition. 70% des rappeurs vous diront ”c’est moi le meilleur”. Dans ce que je produis je n’ai pas de concurrence directe au Sénégal, mais je suis sensible à ce qu’il se passe.
Ces textes, c’est ma façon de dévoiler mes opinions. »
Longtemps influencé par des rappeurs français comme Booba, Rohff ou encore Oxmo, pour le côté musical, le jeune homme tire, aujourd’hui, son inspiration d’artistes sénégalais au parcours admirable, où le dépassement de soi est une condition sine qua non à la réussite, et dont la renommée est mondiale.
« Aujourd’hui il y a tellement d’artistes, qu’il est nécessaire de se démarquer. Et pour cela, je pense qu’il faut rester fidèle à soi-même et prendre le temps de se former.
Selly Raby Kane, grande créatrice de mode, qui a notamment habillé Beyonce cette année, ou encore Ibaaku, qui a percé en Europe,
sont des exemples concrets d’une belle réussite ».
