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Les œuvres littéraires sénégalaises à (re)découvrir

Curieux de mieux connaitre la littérature sénégalaise ? Envie de découvrir de nouvelles plumes locales ? Voici une petite liste, regroupant à la fois classiques et ouvrages plus récents d’auteur.e.s issus du pays de la Teranga. Bonne lecture !

« Une si longue lettre », Mariama Bâ (1979)

Œuvre majeure pour ce qu’elle dit de la condition des femmes, ce roman épistolaire, bien qu’il date de 1979, est toujours parfaitement actuel. Le personnage Ramatoulaye écrit à son amie Aïssatou suite au décès de son mari. A travers les lettres, c’est une mise au point sur sa vie que la narratrice fait, l’occasion de s’interroger sur la place de la femme dans le couple et la société. Dans cette correspondance, elle évoque leurs souvenirs heureux d’étudiantes mais elle rappelle aussi les mariages forcés, l’absence de droit des femmes, le poids de la belle-famille, l’éducation sexuelle des filles… Et surtout la polygamie, décrivant à son amie la douleur ressentie le jour où son mari prit une seconde épouse, plus jeune. Mariana Bâ est la première romancière africaine à décrire avec une telle force la place faite aux femmes dans la société. Dès sa sortie, le roman connaît un grand succès critique et public puisqu’il obtient en effet le Prix Noma en 1980.

« Le ventre de l’Atlantique », Fatou Diome (2003)

Ce roman met en scène les rêves d’émigration de certains jeunes Sénégalais. À Strasbourg, la narratrice transmet par téléphone à son demi-frère le déroulé des matchs de football de l’équipe nationale d’Italie, matchs qu’il ne peut pas suivre à la télévision sur son île de Niodior, au large du Sénégal. Rêvant de devenir un riche et célèbre footballeur, le jeune garçon projette de venir en France, s’identifiant aux joueurs sénégalais jouant dans des clubs européens. Le livre fait constamment des allers et retours entre le Sénégal, où seul l’instituteur tente d’ouvrir les yeux des adolescents sur la fragilité de leur rêve, et la France, où la narratrice décrit sans fard la situation faite aux immigrants, devenus des clandestins, victimes de racisme et menacés d’expulsion. Un parti pris qui ne l’empêche pas d’être lucide sur son village d’origine où l’analphabétisme, la situation des femmes, le pouvoir des marabouts règnent. Le roman a obtenu le LiBeraturpreis en 2005.

« Œuvre poétique », Léopold Sédar Senghor (1980)

« J’écris d’abord pour mon peuple. Et celui-ci sait qu’une kôra n’est pas une harpe non plus qu’un balafong un piano. Au reste, c’est en touchant les Africains de langue française que nous toucherons mieux les Français et, par-delà mers et frontières, les autres hommes.» Cette «Œuvre poétique », comprend l’œuvre poétique intégrale de Léopold Sédar Sengho. Une œuvre désormais devenue un classique de la littérature francophone. Poète majeur et fervent défenseur de la culture africaine, Léopold Sédar Senghor fut un des chantres de la «négritude». Entre Afrique et Occident, au carrefour des civilisations, il a toujours défendu le métissage et l’universel, des les valeurs que l’on retrouve d’ailleurs dans ses écrits.

 « Dieu le pire », Ibou Fall (2009)

Deuxième recueil des « Sénégalaiseries » publié par Ibou Fall, « Dieu le pire » est sans doute le meilleur, le pire et mais aussi le plus drôle que l’on puisse lire sur la société sénégalaise d’aujourd’hui. Ce recueil de nouvelles est un miroir exposant au grand jour les mœurs hypocrites de celleci. L’auteur journaliste ne prend ni fourchette, ni gant, pour mettre sur le devant de la scène les débauches de la société sénégalaise : dictons sexistes, fatalisme à toute épreuve, mensonges érigés en tradition, sacro-sainte téranga….il dissèque tout avec humour dans un style d’écriture incisif qui vous fera rire à gorge déployée. Ni moraliste, ni donneur de leçon, Ibou Fall se contente de faire une satire de la société wolof en n’épargnant aucun sujet pour mieux mettre à mal les habitudes et idées reçues. L’ouvrage est illustré par les dessins du célèbre ODIA (Omar Diakité).

« Les flammes de Nder », Sémou MaMa Diop (2016)

« Les Flammes de Nder » est une intrigue émouvante où Histoire et actualité, réalité et fiction se côtoient.

En 1820, un groupe de femmes s’est immolé à Nder, dans le nord du Sénégal. Un acte de résistance pour refuser tout compromis engageant leur liberté. Une réaction viscérale contre les razzias, contre la victoire d’esclavagistes maures pouvant disposer de leurs corps et de leurs vies. Juin 2016, le fanatisme armé s’est emparé de plusieurs villes du Mali. Une faction menée par le Maure Trarza, l’émir Ould Moctar, a pris le contrôle du Sud de la Mauritanie et s’étend jusque dans les villages démunis du Nord du Sénégal. A Nder, sous prétexte de la foi, des dignitaires du village, sèment la terreur et se sentent investis de tous les droits. Mais les femmes se souviennent qu’elles sont les dépositaires d’une histoire sanglante et glorieuse. Elles s’organisent et résistent…

« Nini, mulâtresse du Sénégal », Abdoulaye Sadji (1954)

L’histoire du roman se passe à Saint-Louis durant l’époque coloniale. Il s’agit d’une tranche de vie d’une mulâtresse connue sous le diminutif Nini. Dactylo dans l’administration coloniale, cette jeune femme à la peau claire et aux yeux bleus, n’a qu’un rêve : épouser un Français et partir s’installer en Europe. Un rêve qu’elle touche du doigt avec l’un de ses collègues mais qui s’avèrera finalement impossible. L’auteur dresse un portrait tout en caricature de son personnage : écervelée, séductrice, raciste et superficielle, elle ne recherche qu’un toubab, attirée par l’appât du gain, dénigrant son héritage et tentant par tout les moyens de ressembler aux colons. Une quête qui la conduira à son propre malheur.

 « Ma fille », Mouhamadou Falilou Dioum (2016)

Un homme parle à sa fille. Il décide de lui raconter son histoire personnelle, c’est à dire celle d’un homme venu de l’arrière-pays sénégalais après le baccalauréat pour poursuivre ses études à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Youssouf,  le prénom de cet homme, raconte surtout à sa fille adoptive, l’histoire de sa mère, fillette abandonnée par sa famille, mariée de force qui deviendra malgré tout une femme forte et l’élèvera seule en dépit des « normes » du village. Le narrateur aborde aussi les parents biologiques de sa fille ainsi que la raison de cette adoption. Traitant le thème de la filiation et de l’adoption, le roman entraine également le lecteur dans la découverte du Sénégal sous toutes ses coutures, classes sociales et religions confondues.

« Terre Ceinte », Mohamed Mbougar Sarr (2014)

Ce roman s’inspire de l’actualité sur le terrorisme pour évoquer la réaction humaine face à la tyrannie et à l’oppression. L’action se passe à Kalep, ville imaginaire, contraction d’Alep et de Kidal, théâtre d’affrontements sanglants depuis que celle-ci est contrôlée par des islamistes. Suite à l’exécution de deux jeunes pour avoir entretenu une relation amoureuse, des résistants tentent de s’opposer à ce nouvel ordre en publiant un journal clandestin. Un défi lancé au chef de la police islamique dans un climat de tension insoutenable. Très réaliste, l’ouvrage nous plonge dans le quotidien de femmes et d’hommes vivant dans un environnement de violence et de tension permanente. Une littérature de l’urgence, qui interpelle le lecteur et l’interroge sur les notions de courage et de lâcheté, d’héroïsme et de peur, de vérité et de responsabilité. Dialogues vibrants, narration puissante, et correspondance prenante ainsi qu’un thème fort ont permis à l’ouvrage de ce jeune et talentueux écrivain de remporter le prix Ahmadou Kourouma et le Grand Prix du Roman Métis 2015.

« Riwan ou le chemin de sable », Ken Bugul (1999)

Dans un récit bouleversant et inspiré par son vécu, Ken Bugul, narratrice-personnage, relate des destins croisés de femmes africaines prises dans des relations monogamiques “modernes” ou polygamiques “traditionnelles”. Intellectuelle, elle devient la 28ème épouse d’un marabout d’un village quelque part dans le centre du Sénégal. A travers son histoire, c’est une réflexion lucide et sans complaisance sur le féminisme que livre l’auteur. Traditions africaines, polygamie, monogamie, aliénation, séduction, vie et mort : beaucoup de préjugés, d’opinions reçues sur la condition des femmes africaines sont ainsi bousculés et disséqués. Jamais une romancière africaine n’était allée aussi loin dans la revendication de sa féminité.

« L’or du sage, Alal ji », Massamba Guèye (2014)

Avec ce conte bilingue wolof-français, Massamba Guèye s’intéresse à l’éducation des enfants. Celui-ci narre l’histoire de trois enfants, des petits princes ayant décidé de terroriser tout le village de Barga Njool, y compris le doyen. Aveuglés par la recherche de l’or, ils perdent toute notion de respect envers les hommes, n’hésitant pas à frapper le vieil homme. Cupides et arrogants, ces trois chenapans finissent par tout perdre et en premier lieu leur dignité. Un conte loin d’être enfantin, comme un prétexte pour aborder certaines valeurs. En effet, à travers l’image du doyen, c’est la vieillesse et la sagesse qui sont représentées : l’auteur met en avant le rôle de la transmission des anciens à travers leurs récits expérimentés et sages. Massamba Guèye aborde ainsi la question de l’héritage et du respect des aînés mais surtout du rôle primordial de l’éducation des enfants. Un adage wolof ne dit-il pas que après tout que « la meilleure richesse que l’ont peut donner à un enfant c’est une bonne éducation » ?

« Des fourmis dans la bouche », Khadi Hane (2011)

« Des fourmis dans la bouche » c’est l’histoire de la vie de Khadija, une femme née au Mali, qui élève seule ses quatre enfants à Paris, dans le quartier de Château-Rouge. Issue d’une double culture, elle se retrouve exclue de sa communauté pour entretenir une liaison avec Jacques, le père de son fils métis. Elle se retrouve jugée par tous : par ses voisines maliennes, par les patriarches du foyer Sonacotra et même jusqu’à ses propres enfants. Mais cette comparution au tribunal des apparences et de la morale, va réveiller en elle force et humour. Khadi Hane dresse dans cet ouvrage un tableau intense de Château-Rouge, porté par une écriture au ton singulier. Il y est question de la double appartenance mais l’ouvrage raconte surtout la difficile liberté d’une femme africaine en France. Prix Thyde Monnier de la Société des gens de Lettres 2012.

Article réalisé avec le support de Lina Husseini, responsable de la maison d’édition Athena

 

A propos Clémence Cluzel

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3 commentaires

  1. Je salue de tout mon coeur cet excellent article.

  2. Super article. Mais il manque le chef d’œuvre: L’aventure ambiguë de cheikh Hamidou Kane.

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