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Rencontre avec le slameur Jabir Malick

Professeur d’anglais, poète urbain et artiste complet, Jabir Malick, fait sonner les mots avec talent. Ce trentenaire sénégalais, membre du collectif Vendredi Slam, a sorti vendredi 7 avril son 1er EP intitulé “Poezik-1er semester”. 5 titres auto-produits où se confondent poésie, mélodie, rimes et chant : un mélange des genres musicaux, dans plusieurs langues (français et wolof) comme une volonté de s’affranchir pour mieux unir. Jabir fait partie de cette nouvelle génération d’artistes qui renouvelle le paysage musical sénégalais.*Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Jabir Malick. Je suis slameur/chanteur/musicien/rappeur…Un artiste polyvalent ! En dehors de la musique, je suis professeur d’anglais à Dakar. J’ai commencé à déclamer mes textes devant un public il y a environ 7 ans. Je suis aussi membre du Collectif Vendredi Slam. Et je viens de sortir mon 1er EP “Poezik-1er semester“.

*Depuis quand écris-tu des textes ? Comment es-tu arrivé au slam ?

J’écris depuis un certain temps déjà maintenant, j’ai vraiment commencé quand j’avais 14-15 ans. Je le faisais pour moi, à titre perso au départ. Et puis un jour, un ami, Diofel (qui a créé le Collectif Vendredi Slam) m’a parlé d’une soirée slam. J’y suis allé pour voir, et là, en fait, il m’a piégé ! J’ai du monter sur scène pour slamer alors que je n’avais jamais fait ça de ma vie ! C’était un mélange d’excitation et de peur intense… Au final, c’était une très bonne chose de me mettre devant le fait accompli : moi j’ai adoré m’exprimer devant un public et les gens ont apprécié ce que je leur donnais. Ça m’a motivé à continuer d’écrire et m’a permis d’entrevoir d’autres possibilités, autre qu’écrire pour moi, dans mon petit carnet. C’était en 2010. Depuis je donne des ateliers d’écriture pour les enfants, j’ai sorti mon 1er EP…

*Comment décrirais-tu le slam ?

Le slam c’est un art oratoire qui se focalise sur les mots, le verbe, l’expression. Sa matière première, c’est la poésie. En fait, le slam appartient au hip-hop : on a juste mis moins de rythme et plus de texte. On peut dire que le slam c’est de la poésie urbaine. La mélodie d’un morceau reste malgré tout importante, mais finalement ici, celle-ci ne fait qu’accompagner les paroles, c’est un élément secondaire.

*Le public sénégalais est-il friand de ce genre musical ?

Oui, il y a un vrai public à Dakar. Au Sénégal, on écoute beaucoup de Mbalar et de hip-hop mais peu à peu, les gens s’ouvrent à d’autres styles. C’est aussi plus accessible que le rap. Le premier à avoir fait un morceau et à ouvrir cette voie a été Matador : il a impulsé le mouvement slam au Sénégal. Et puis, une génération de Sénégalais slameurs fait aussi bien bouger les choses. Je pense notamment au collectif Vendredi Slam.

©Collectif Vendredi Slam

*Justement ! Parle-nous de ce collectif.

Ce collectif a été le premier à réunir les slameurs de Dakar, en 2009. Le but était de faire des vendredis soirs un RDV pour les passionnés de poésie et de musique. Tout le monde peut venir sur scène, s’essayer au slam, peu importe que l’on soit débutant ou confirmé. Au départ, on se réunissait dans un restaurant de Point E. Avec le bouche à oreille, on a eu de plus en plus de monde et on a du changer d’espace, ce qui est bon signe et prouve que le slam intéresse ! Maintenant on fait une soirée Slam tous les premier vendredi du mois à l’IAM (Mermoz). En 2014, on a sorti un album collectif “S comme Slam”. On a aussi organisé la première nuit du slam à l’ Institut français de Dakar : une vingtaine de slameurs sénégalais y ont participé. Il y avait aussi Grand Corps Malade (slameur français). C’était un super moment !

*Tu viens de sortir « Poezik-1er semestre » (5 titres). Qu’est ce que ce 1er EP comporte ? Quels sont les thèmes que tu y abordes ?

Dans mon slam, j’aime mélanger les styles et formes d’expression : je chante, je déclame, je mixe les mélodies, du rap, de la soul,… J’avais envie de créer ma propre patte, faire quelque chose de différent de ce qu’on avait fait avec l’album du collectif. D’où le titre de l’album aussi “Poezik-1er semester” : un mélange de musique et de poésie. Je jongle aussi avec les langues : j’ai des morceaux en français, d’autres en wolof. C’est important je trouve de ne pas avoir de barrières, de ne pas rester bloquer dans une case à laquelle on voudrait vous cantonner.

Cet EP a pour thème central l’amour. C’est l’amour d’abord car c’est la clé de tout. Je parle d’amour, de tolérance (“Sad Mbeugel”), d’éducation. Le morceau “Djigueen” (“femme” en wolof) est un hommage aux femmes : à la mère, à la femme et à la fille. C’est un hymne au féminin.

Présentation de “Poezic-1er semester” ©Goethe Institut

*Quelles sont tes influences musicales ?

J’aime beaucoup Grand Corps Malade, que j’ai pu rencontrer lors de sa venue à Dakar. Pendant la Nuit du Slam, il a d’ailleurs dit que j’étais son « coup de cœur » slam, c’est hyper encourageant et motivant ! J’adore aussi Féfé, qui sait jongler entre différents styles musicaux et s’affranchir des codes, ou encore Abd Al Malick, IAM. Sinon, un des premiers à m’avoir inspiré, c’est Tupac. C’est grâce à lui qui j’ai eu envie d’apprendre l’anglais.

*Comment conçois-tu le rôle d’un artiste ? Selon toi, se doit-il d’être engagé ou au contraire sa fonction se limite-t-elle à distraire ?

Les artistes se doivent d’être engagés dans le sens ou ils sont écoutés, parfois pris pour modèles. Il faut qu’ils prennent conscience de leurs propos, de ce qu’ils véhiculent. Cela ne les engage pas eux uniquement. Parfois, les messages peuvent être mal interprétés, détournés. Je le sais d’autant plus que je suis prof, que je travaille au contact d’enfants. Je pense que nous avons un rôle à jouer, un rôle éducatif en quelque sorte. On transmet des valeurs, donc autant que ça soit de beaux messages ! Et puis, les deux ne sont pas indissociables : on peut instruire et se distraire. Je le fais d’ailleurs avec mes propres élèves en classe : un peu de rap ou de slam et la grammaire anglaise passe tout de suite beaucoup mieux !

*Tes projets à venir ?

En ce moment, nous sommes en train de tourner un clip pour cet EP. Et puis bien sûr, comme son nom le laisse penser, il y aura un “2e semester” ! On est actuellement en plein travail car la sortie est prévue d’ici cet été. Cette fois-ci il y aura 10-12 titres, et certaines des chansons seront en anglais.

*Pourrais-tu nous faire partager tes derniers coups de cœur culturels ?

Pour ce qui est du domaine musical, mon coup de cœur va à Souleymane Faye. Je crois que c’est l’artiste que j’ai le plus écouté ! Et dernièrement, j’ai adoré le nouvel album de Féfé, « Mauve » : il est magnifique. Pour ce qui est de la littérature, je recommande “Afrotopia” de Felwine Sarr (Grand prix de la Recherche aux GPAL 2016).

“Poezik-1er semester”, pour commander l’EP, Pan Express : 77 676 49 19/ 76 644 19 30 (2 500Fcfa). Facebook

Collectif Vendredi Slam, tous les 1ers vendredi du mois, 21h, IAM Mermoz, entrée libre

 

A propos Clémence Cluzel

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