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Procès Hissène Habré : perpétuité confirmée en appel pour l’ancien président tchadien

La Chambre africaine extraordinaire d’assises d’appel réunie à Dakar a confirmé, dans la matinée du jeudi 27 avril, la condamnation à perpétuité d’Hissène Habré. L’ancien président tchadien a été reconnu responsable de crimes contre l’humanité, de crimes de tortures et de crimes de guerre. Un verdict salué par les victimes du régime et les associations de défense des droits de l’Homme.

Ce procès, et plus encore le verdict rendu par le tribunal spécial africain, est historique. Pour la première fois, un ancien chef d’état africain était jugé sur ce continent en vertu du principe de « compétences universelle ». Mais surtout, pour la première fois, ce jeudi 27 avril, un ancien chef d’état africain a été reconnu coupable de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de torture.

Après dix-sept ans de lutte et de revirements judiciaires, c’est un véritable soulagement pour les parties civiles et les associations de défense des droits de l’Homme. « Je suis complètement satisfaite du jugement qui a été rendu », explique Me Delphine K.Djiraïbé, avocate des parties civiles. « Aujourd’hui, c’est définitivement fixé : Hissène Habré est l’auteur de crimes contre l’humanité et de maltraitance envers les Tchadiens». Un sentiment de devoir accompli partagé par Me Jacqueline Moudeina, avocate principale des victimes et présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH). « Je suis très satisfaite car cela fait dix-sept ans qu’on trime, qu’on est en quête de justice. Aujourd’hui la joie est parfaite », exulte-t-elle. « Cette décision de justice est un avertissement, un message fort envoyé au Tchad. Désormais, il n’y aura plus d’impunité dans ce pays » martèle-t-elle.

Les avocates des parties civiles, Me Djiraïbé et Me Moudeina ©C.Cluzel

Kim Thuy Seelinger, directrice du programme Violence sexuelle à Human Rights Center note de son côté que « cette affaire était une opportunité très importante pour les victimes de faire entendre leurs voix. Cela a aussi permis de mettre sur le devant de la scène la question des violences sexuelles. Le message envoyé qui est envoyé avec cette condamnation c’est que l’impunité n’est plus permise ».

Seule ombre au tableau : la qualification pour viol n’a pas été retenue. « Le viol n’a pas été rejeté en tant que tel. On a acquitté Hissène Habré de ce crime à cause d’un problème de procédure car les conditions pour la requalification n’étaient pas réunies. Cela ne signifie pas que le viol est nié » nuance Maitre Djiraibé.

Une procédure judiciaire complexe

Hissène Habré, ex-président du Tchad d’octobre 1982 à décembre 1990, avait été condamné en première instance en mai 2016 pour avoir ordonné d’assassiner, violer, torturer des milliers d’opposants à son régime. Une procédure judiciaire avait été engagée à son encontre en janvier 2000 avec le dépôt d’une première plainte de sept victimes tchadiennes mais celle-ci avait aussitôt été cassée par la cour d’appel sénégalaise au prétexte que la justice locale n’était pas compétente. Finalement après quatre années, un mandat d’arrêt international avait été émis par la Belgique suite à une plainte déposée par des victimes. Face au refus du Sénégal de juger Hissène Habré, la Belgique avait alors porté plainte contre le pays devant la Cour Internationale de Justice (CIJ). Le 20 juillet 2012, la CIJ a donc ordonné au Sénégal de poursuivre Habré « sans autre délai » à défaut de l’extrader.

Une demande qui avait ensuite été entravée par l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade. Renversé par un coup d’état en 1990, Hissène Habré vivait en exil depuis cette date au Sénégal, où il avait largement investi avec les millions volés dans les caisses de l’état tchadien… C’est avec l’élection présidentielle sénégalaise de 2012, qui voit Macky Sall arriver au pouvoir, que la situation va évoluer, mettant fin au paisible et confortable exil du despote. Le nouveau président et l’Union Africaine (UA) permet la création des Chambres africaines extraordinaires (CAE), une juridiction hébergée par le palais de justice de Dakar, qui feront inculper et mettre en détention l’ex-président tchadien en juillet 2013. La première instance de son procès, en mai 2016, s’était soldée par une condamnation à perpétuité. Un verdict jugé trop sévère par ses avocats qui avaient alors décidé de faire appel.

Hissène Habré lors de la première instance de son procès©Carley Petesch

La décision de la cour d’appel du 27 avril 2017 n’a fait que confirmer cette condamnation. Elle marque donc la fin d’un long combat judiciaire éreintant et la reconnaissance de la culpabilité totale de l’accusé. Hissène Habré, 74 ans, devrait purger sa peine au Sénégal ou dans l’un des autres pays de l’UA. La Cour a également ordonné le paiement de 82 milliards de francs CFA (environ 123 millions d’euros) par Habré aux victimes et a précisé que l’argent devait être distribué via un fonds créé par l’UA qui sera chargé de chercher et recouvrer les avoirs de Habré. Environ 7 396 victimes sont éligibles à recevoir ces réparations.

L’accusé n’était pas présent lors du rendu du jugement. Pour rappel, il n’a jamais reconnu l’autorité des Chambres. Ses avocats commis d’office avaient fait appel en son nom.

J’espère que ce procès va servir d’exemple pour l’avenir et entrainera le jugement d’autres dictateurs » a déclaré, pleine d’enthousiasme, Me Djiraïbé.

A propos Clémence Cluzel

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