A Dakar, et dans toutes les grandes villes du Sénégal, ils font partie du paysage urbain. On les voit sans vraiment y faire attention et sans même les regarder. Écuelle à la main et t-shirts trop grands et déchirés, ces enfants seraient plus de 30 000 à mendier dans les rues de la capitale. De nombreux organismes travaillent au quotidien pour lutter contre ce phénomène, dont l’ONG Village Pilote, ou le Samu Social.
Ils se faufilent entre les voitures, aux feux rouges, dans les embouteillages. Certains n’ont pas cinq ans et la rue les a déjà adopté. Les enfants talibés, laissés par leurs familles entre les mains de maîtres coraniques, apprennent la mendicité et la débrouille. Pour la plupart d’entre eux, la rue les a pris et ne les rendra pas.
L’extrême précarité de nombreuses familles sénégalaises les pousse à confier leurs enfants à un tiers, ne pouvant subvenir à leurs besoins. Souvent à des marabouts, des maîtres coraniques. Les enfants sont alors accueillis dans des daaras, des écoles religieuses dans lesquelles on leur apprend le Coran. Une solution comme une autre pour assurer une bonne éducation à sa descendance, mais souvent, la réalité est bien moins heureuse.
Selon l’UNICEF, ce phénomène de mendicité infantile serait plus visible au Sénégal car le pays est une plaque tournante pour le trafic d’enfants. Des enfants venus de l’intérieur du pays ou d’ailleurs : Guinée Conakry, Guinée Bissau, Mali ou Gambie, sont confiés à des hommes qui les exploitent à des fins économiques.
Des marabouts violents
Les conditions de vie dans les daaras, ces écoles coraniques, sont souvent précaires : les enfants talibés (talibé signifie étudiant, élève) sont entassés, dorment à même le sol, vivent dans l’insalubrité et parcourent parfois plusieurs kilomètres par jour pour mendier.
« Certains marabouts ne supportent pas que leurs élèves reviennent
bredouille et sont violents envers eux. Ils n’ont d’autre solution que de s’enfuir dans la rue, et la plupart du temps, ils y restent »,
constate Cherif Ndiaye, Directeur adjoint de Village Pilote.
Yélimane Fall, un artiste sénégalais qui intervient aux côtés de l’ONG franco-sénégalaise Village Pilote, confie que de nombreux daaras accueillent beaucoup plus d’enfants que leur capacité maximale, dans l’unique but de tirer profit de cette activité.
Au Sénégal, Village Pilote redonne le sourire aux enfants oubliés
C’est donc face à constat que l’ONG Village Pilote a décidé d’agir afin de lutter contre ce phénomène de mendicité. Leur mission : informer et sensibiliser les acteurs intervenants sur cette problématique comme le gouvernement, les marabouts, les familles et les enfants, et favoriser la réinsertion sociale et professionnelle de ces enfants à travers un programme complet. Un centre d’accueil d’urgence a été mis en place à Pikine, en banlieue de Dakar, duquel partent des équipes mobiles qui ont pour but de créer un lien avec les enfants des rues. Ceux qui souhaitent sortir de la rue sont accueillis dans le centre du Lac Rose, à une heure de Dakar, où on leur apprend petit à petit à vivre en société, avec des règles, des droits et des devoirs.
Le chemin est souvent long pour ces enfants qui ont perdu tout repère après des mois, parfois des années dans la rue, sans soutient familial et affectif, et ayant subi de nombreuses violences physiques et psychologiques. Des enfants de 3 à 25 ans sont accueillis au sein de ce centre. Les plus petits ont des cours d’alphabétisation, tandis que les plus grands sont insérés dans des formations professionnelles où ils apprennent un métier : menuiserie, peinture, électricité, plomberie ou encore cuisine….
« 1 enfant sur deux en moyenne retourne dans la rue », nous confie un animateur de Village Pilote. Trop de contraintes, une difficulté d’adaptation à une vie en société, il est souvent difficile pour ces enfants de se réintégrer rapidement. Mais l’ONG continue d’arrache-pied son travail, se battant chaque jour pour leur venir en aide. Et le résultat est souvent concluant, puisque des retours en famille sont organisés chaque année afin de permettre aux enfants de rejoindre leurs proches dans leurs villages d’origine. Et ces quelques moments de bonheur valent bien tous les efforts du monde.
ça n’a visiblement pas changé depuis toutes ces années …