A l’occasion de la 7eme Semaine africaine de la vaccination, le ministère de la santé sénégalais a présenté son programme de lutte contre le cancer du col de l’utérus, une maladie qui touche de nombreuses femmes du pays. Dans ce cadre, une campagne de vaccination gratuite à destination des filles âgées de 9 à 15 ans devrait être lancée dans le courant de l’année. Un problème de santé publique désormais considéré comme l’une des priorités du programme de développement sanitaire du Sénégal (PNDS).
Il est l’un des cancers parmi les plus fréquents chez les Africaines, plus particulièrement chez les Sénégalaises. Il, c’est le cancer du col de l’utérus « qui représente 22% des cancers féminins en Afrique et tue 23 femmes sur 100 000 chaque année sur ce continent » explique le Pr Mamadou Diop, chef du service d’oncologie à l’Hôpital Aristide Le Dantec. Avec le cancer du sein, le cancer du col de l’utérus est un problème de santé publique majeur : celui-ci est le plus mortel par rapport à l’incidence, c’est-à-dire par rapport au nombre de cas recensés chaque année. Les chiffres sont alarmants : on détecte 1 482 nouveaux cas par an et deux décès par jour. La forte incidence et le taux de mortalité élevé font de ce cancer un fléau pour la population féminine sénégalaise.
Pourtant, celui-ci peut être prévenu et soigné grâce au dépistage et à une vaccination précoce. Des précautions jusqu’à présent peu suivies par manque de moyens financiers (un dépistage coûte dans les 40 000Fcfa) et surtout par manque d’informations sur les outils à disposition. Une situation que le ministère de la santé sénégalais, en partenariat avec le laboratoire pharmaceutique américain MSD et l’ONG Gavi entend bien faire évoluer. Dans cette optique, et devant la nécessité d’informer et de sensibiliser les populations, une campagne de vaccination, gratuite, va être lancée à destination des jeunes Sénégalaises.
« Une fille vaccinée aujourd’hui, une fille protégée demain »
Le cancer du col de l’utérus est dû à une quinzaine de virus, dont deux d’entre eux sont responsables de plus de 70 % des cas. D’après des recherches, certains facteurs tels que la précocité du premier rapport sexuel, la contamination au VIH, la multiplication des partenaires,… sont autant de situations qui favorisent l’infection du HPV (papillomavirus humain), principale cause du cancer.
Les plus touchées par ce risque de cancer sont les filles situées dans la tranche d’âge 10-24 ans : plus de 3 millions de Sénégalaises sont exposées. En effet, le plus souvent, les femmes sont infectées dès le début de leur vie sexuelle, le cancer du col de l’utérus se transmettant par voix sexuelle, qu’il y ait pénétration ou non. L’idée de cette campagne est donc de vacciner les jeunes filles avant le début de leur premier rapport sexuel. Dans la grande majorité des cas, le papillomavirus est éliminé spontanément par le système immunitaire en quelques mois. Quand il persiste dans l’organisme, celui-ci peut devenir responsable, selon le type de virus en cause, de lésions bénignes ou de lésions cancéreuses. Le vaccin, intra-musculaire, permettrait de fabriquer des anti-corps empêchant la fixation des virus. « Le seul moyen pour empêcher le virus d’aller au col reste la vaccination » martèle le Pr Diop.
Le programme, toujours en recherche de financement, sera lancé en deux phases sur tout le territoire national : la première débutera en novembre 2017 et la seconde aura lieu en mai 2018. Deux doses sont en effet nécessaires et doivent être injectées à 6 mois d’intervalle. Les vaccinations seront réalisées dans les structures sanitaires, dans les écoles et les daaras. Environ 900 000 filles devraient être vaccinées la première année.
«Dans un premier temps, on vaccinera toutes les filles entre 9 et 15 ans pour rattraper le retard pris et réduire au plus le risque de contamination. Et ensuite, les années suivantes, nous nous limiterons aux fillettes de 9 ans car les autres seront logiquement déjà vaccinées »
détaille le Dr Ousseynou Badiane, chef de la division de l’immunisation et coordonnateur du programme élargi de vaccination au sein de la direction de la prévention, ministère de la santé et de l’action sociale, ajoutant encore que « les données scientifiques montrent que la réponse immunitaire est meilleure lorsque le vaccin est administré avant 15 ans ».
Cette campagne fait suite à une première étape réalisée en 2014 sur deux ans : un programme pilote avait permis la vaccination de 10 000 fillettes de 9 ans dans deux villes du Sénégal. Cette phase servait aussi de test pour cerner la capacité du pays à gérer la mise en place d’un plan de lutte national contre le cancer du col de l’utérus. Une mission relevée avec succès : le Sénégal est le premier pays, parmi les autres états d’Afrique (hors Afrique du Sud), à avoir été autorisé à poursuivre au-delà du projet pilote. En dehors de la vaccination, considérée comme prévention primaire, au même titre que la sensibilisation, deux autres types d’actions sont inscrites sur le calendrier pour lutter contre ce fléau : la prévention secondaire prévoit de mettre en place un programme de dépistage afin de détecter les lésions pré-cancéreuses des cas à un stade plus avancé ainsi que la mise en place d’un traitement. Enfin la prévention tertiaire concerne la prise en charge des femmes infectées.
Une lente prise de conscience de la part de la population
Le cancer du col est évolutif et se présente à différents stades : au premier stade des lésions apparaissent : seuls 20 % des cancers seulement sont diagnostiqués à cette étape. En effet, dans la majorité des cas, l’hôpital reçoit des femmes en stade avancé, c’est-à-dire quand le cancer a déjà bien progressé. C’est environ 60 %-80 % des cas. Une prise en charge tardive qui empêche un bon suivi médical et complique la guérison de la patiente. « La majorité des femmes viennent consulter car on les a référées. Il s’écoule environ 10 mois entre les premiers symptômes et la consultation… Les patientes se décident à venir à cause de la douleur ou de l’anémie, mais c’est déjà trop tardif. Il y a même des cas de consultation où le cancer est sorti du col et a atteint la vessie », relate le Pr Mamadou Diop.
Heureusement, malgré tout, une prise de conscience semble s’opérer. « Les Sénégalais sont maintenant suffisamment informés sur le cancer en général pour connaitre la gravité de la maladie. Cette attitude favorise donc notre action : s’ils ont l’opportunité d’être soigné, de prévenir la maladie, ils vont la saisir. Lors du projet pilote nous n’avons pas observé de réticences particulières face à la campagne de vaccination. Il y plus de peur, d’appréhension, que de rejet » constate le Dr Badiane.
D’ailleurs, certaines personnes aisées ont déjà fait vacciner leurs filles, les vaccins étant disponibles dans des officines privées. Mais cela restait encore inaccessible pour les populations pauvres ou modestes en raison du prix. Une barrière qui devrait définitivement tomber avec cette campagne.