A l’image d’un paysage associatif bien développé au Sénégal, l’association catholique féminine Siggil Mariama participe à favoriser l’échange entre les Dakaroises. Espace de réunion hors du foyer, l’association organise des activités diverses, informe sur la santé ou les droits des femmes, et participe via ses trois groupements d’intérêt économiques à créer de l’emploi tout en favorisant l’entreprenariat féminin. Tour d’horizon de cette association qui se développe et place la femme au cœur de son action.
« Avant de créer un projet de société, il faut se connaitre » débute Émilie Lo, présidente de Siggil Mariama («Honorer Marie » en wolof) une association qui regroupe des femmes catholiques de tous les quartiers de Dakar. C’est en partant de ce constat, de la nécessité de briser les barrières pour apprendre à se connaitre et faciliter les échanges, qu’est née cette organisation de femmes dakaroises en septembre 2003. Encouragée par son ancienne directrice d’école, Mme Abibatou Ndiaye, également présidente de l’FAFS (Fédération des Associations Féminines du Sénégal), Mme Lo profite d’un rassemblement pour créer « Siggil Mariama ». « Il y avait un réel besoin de créer un lieu de rencontres pour les femmes qui soit en dehors de l’espace domestique pour qu’elles puissent sortir du foyer », explique cette enseignante retraitée. Après 4 mois à informer et mobiliser, une charte est adoptée et la première assemblée générale se tient fin décembre de la même année. Aujourd’hui, une centaine de femmes, entre 30 et 80 ans, adhère à cette association. Inspirée par Marie, elles entendent incarner ses valeurs : « l’humilité, la simplicité, l’honnêteté, le courage » détaille la sexagénaire avant d’ajouter « des valeurs qui vont bien au-delà du religieux ! ».
Cette « solidarité agissante » pour lutter contre la pauvreté en renforçant des liens d’amitié et d’assistance et permettre plus d’émancipation féminine se matérialise également économiquement. Située à Sicap Baobabs, l’association trouve toute son essence dans ce quartier populaire. Les habitats à loyers modérés du secteur étaient auparavant à la charge seule des hommes, chefs de famille. Avec la montée du chômage, les nouvelles générations se retrouvent sans emploi tandis que les ainés partent à la retraite, les femmes sont alors mises à contribution. « Hommes et femmes doivent contribuer ensemble au bien être et aux ressources du foyer. L’association a permit de régler beaucoup de problèmes da (s’ouvre dans une nouvelle fenêtrens plusieurs ménages car l’homme n’est plus le seul à devoir tout assumer », défend Mme Lo. L’association saisi cette réelle nécessité d’accompagnement professionnel en favorisant l’entreprenariat féminin par le biais de formations (en restauration, gestion administrative et financière, micro-jardinage, teinturerie, couture). Des échanges de savoir-faire financés et dispensés via des ONG dont CARITAS Sénégal ou ENDA par exemple, ainsi que par des associations dont Siggil Mariama est partenaire comme l’AFAO (Association des Femmes d’Afrique de l’Ouest), la USAID-POPAS (plateforme des professionnels de l’agroalimentaire) et le Mouvement des femmes catho du Sénégal, la FAFS (Fédération des associations féminines du Sénégal) ou encore l’APAAS (Association des professionnels et artisans de l’alimentation du Sénégal). Pour les offres plus techniques, c’est l’UCAD, l’ITA (Institut de technologie alimentaire) et le Cheds (Centre des hautes études de défense et sécurité) qui sont mis à contribution.
« Je crois au projet de la femme. L’homme est là pour la soutenir. Mais pas comme une personne faible, il doit accompagner »,
appuie t elle encore.
Une fois formées, les femmes le souhaitant constituent des groupements d’intérêt économiques (GIE), selon leurs capacités. Regroupées en groupe de 15 à 20 personnes, elles travaillent dans l’une des trois des activités sectorielles génératrices de revenus de l’association : le service traiteur (Siggil traiteur) ; la revente-commerce (Siggil commerce) pour la transformation et la vente de produits locaux ; et la couture (Siggil Couture) pour la confection et la vente de vêtements. Les bénéfices des activités sont ensuite redistribués aux ayants droit. L’association espère pérenniser ces activités pour que les jeunes puissent prendre la relève. « Les ainées sont très impliquées. Rien n’aurait pu être fait sans elles. Nous voulons nous aussi aider les nouvelles générations et passer le flambeau pour que les jeunes occupent une place dans la société » relate Mme Lo. Un projet de centre de formation polyvalent en couture et art culinaire répondrait à ce besoin tout comme la création de centrales d’achat. Reste à trouver un local et les fonds nécessaires…
Siggil Mariama intervient aussi dans l’information et l’éducation aux droits des femmes. « Les femmes sont souvent laissées en rade, notamment pour ce qui concerne les décisions politiques. Or elles sont au cœur de toute les réussites : dans le foyer, au niveau local, et à l’échelle du pays. On ne pourra jamais se développer sans elles, car elles se mobilisent toujours pour faire évoluer les situations » martèle la présidente. Des formations sur la santé (paludisme ou SIDA par exemple) ainsi que sur le genre sont ainsi dispensées. Cette sénégalaise a pris conscience des nombreuses violences faites aux femmes notamment lors de sa carrière dans l’éducation : « J’ai été confrontée à des élèves et des familles dans ces situations. Je me suis rendue compte du rôle de la sensibilisation et de l’éducation. Si les femmes accèdent à l’éducation, elles connaitront leurs droits et seront plus à même de se défendre. » Une prévention qui permet aussi d’accéder aux instances de décisions et donc d’impacter directement sur le sort des femmes.
Tous les ans, lors du Carême, une journée de solidarité est mise en place par les femmes de l’association et ouvertes à toutes. Une journée de rencontres, d’échanges, de conférences sur une thématique. Ce 18 mars portera sur la sécurité, les femmes étant les premières touchées lors des conflits. Une journée qui permet aussi de collecter des dons (alimentaires, matériels ou financiers) ensuite redistribués aux nécessiteux « de toutes obédiences religieuses » insiste Émilie Lo. Toujours dans cette tradition d’échange, tous les deux ans, Siggil Mariama organise le diner de l’intégration africaine, soutenu par le Ministère de la culture sénégalais. Un beau meltingpot qui réunit autour de spécialités culinaires et de spectacles traditionnels des femmes sénégalaises de toutes origines africaines (Mali, Bénin, Togo, Cap Vert,…).
Une belle sororité qui créé en filigrane un projet de société dans lequel la femme serait pleinement intégrée et reconnue.