Le Programme de Lutte contre l’Enfance en Rupture (PLER) est le projet de réintégration socio-économique des filles âgées entre 13 et 21 ans potentiellement en rupture, initié depuis 2008 par le réseau d’association pour le bien être communautaire (RABEC). « Nous avons commencé par mener des enquêtes de quartier à Biscuiterie qui ont révélé que la problématique de la femme était centrale. Les associations existantes menaient des actions similaires comme des débats mais le tout manquait de dynamisme profond. Nous avons alors proposé des formations entrepreneuriales pour ces femmes défavorisées », indique Youssoupha Badji, le coordinateur exécutif du programme.
Ce programme d’éducation et de formation des filles issues pour la plupart de familles précaires, compte aujourd’hui 18 matières dont trois spécialisations potentielles à savoir la coupe-couture, la coiffure et la restauration. Durant trois années consécutives, les jeunes filles vont participer à diverses activités relatives autant à l’alphabétisation, à la santé ou aux droits des enfants avant de se spécialiser dans une des trois dominantes en dernière année.
« À l’origine, seules quarante filles âgées de 13 à 18 ans étaient acceptées dans le programme. Aujourd’hui nos critères sont moins sélectifs, il y a des cas prioritaires comme les filles déscolarisées mais il est difficile pour nous de refuser une fille. Désormais on accueille les jeunes filles mères et des jeunes femmes de plus de 18 ans.”
“La liberté qu’elles ont ici, beaucoup ne l’ont pas chez elles”
En février dernier, c’était au tour de la cinquième génération de PLER de se voir remettre son diplôme. “Ce diplôme, c’est le symbole d’une réinsertion sociale pour ces personnes qui avaient presque perdu tout espoir d’avoir une seconde chance dans la vie”, révèle Monsieur Badji. Au-delà de reprendre les bases de l’éducation de ces jeunes femmes qui n’ont jamais fréquenté l’école ou l’ont quitté très tôt, le programme entend redonner leur fierté à ces filles qui s’étaient abandonnées elles-mêmes.
« Toutes ces personnes sont issuse de familles précaires, sont orphelines, ont des parents divorcés ou en confiages. Elles n’ont plus d’estime d’elles-mêmes. C’est important de leur redonner confiance. Le centre est aussi là pour écouter ces filles, qu’elles puissent se libérer, pleurer. C’est un lieu de refuge. La liberté qu’elles ont ici, beaucoup ne l’ont pas chez elles », explique Youssoupha Badji, aussi nommé « tonton » par les adhérentes.
Dans un second temps, l’apprentissage des métiers de la restauration, de la coiffure et de la couture sert de gage pour leur réinsertion socio-économique. « Il n’y a pas de redoublement car chacune va exceller dans son domaine et c’est ce domaine qu’on va l’encourager à explorer », informe le tonton du programme avant d’ajouter « une fois diplômée, chacune est libre de devenir auto-entrepreneur, ou de travailler pour quelqu’un dans ce qu’on appelle les « métiers informels ». Plus de 90% des filles qui sortent ont une opportunité de travail.
Un financement participatif
Au niveau du financement, Le PLER fonctionne sur fond propre, puisé dans les caisses du RABEC, depuis le retrait des bailleurs qui ont soutenu le projet à ses débuts. Afin de servir la communauté par le biais de cette couche vulnérable, les moniteurs et monitrices se sont engagés comme volontaires pour participer à la pérennisation de ce programme. Toutefois des AGR (Activités Génératrices de Revenus) sont mises en place afin de mieux soutenir le PLER. Ainsi, les œuvres réalisées dans le cadre du programme seront commercialisées. Pour participer à leurs formations, les filles donnent 3 000 Fcfa par mois. « Une fille nous coûte 75 000 Fcfa par an donc au final chacune participe de moitié à sa formations” , spécifie Youssoupha.
Témoignage de Aw – 22 ans :
« C’est ma troisième année au PLER. Ce programme m’a permis d’accomplir beaucoup de choses. Avant j’étais une femme de ménage, une bonne de maison comme on dit ici. Il faut savoir que dans ce métier même si c’est toi qui prépare le repas, on ne te laisse pas y toucher et tant pis si tu n’as pas mangé de la journée. Éventuellement parfois si la famille ne mange pas tout, tu as le droit à des restes. Je viens d’une autre région de Dakar et mes parents sont divorcés. Quand je suis venue dans la capitale je voulais plus que tout travailler. Mais le mari de la famille qui m’avait embauché est tombé amoureux de moi et a voulu me demander en mariage. J’ai du fuir pour ne pas être source de conflits. De par ce vécu, j’étais une femme très dure avec les autres. Un jour, j’ai entendu parler de l’ONG RABEC et de leur programme PLER alors je suis venue suivre un cours… juste pour voir. C’était un cours comparable à de l’éducation civique. En sortant de ce cours, j’ai eu un déclic. Tout ce que pensaient les gens de moi ne m’intéressait plus. Suite à ma première année au sein du programme PLER, je me suis mariée et l’année dernière j’ai eu un enfant. Je suis aujourd’hui maman d’une petite fille. Cependant, il était hors de question pour moi de quitter la formation. Les premiers mois, je venais assister aux formations avec ma fille puis j’ai commencé à vendre des broderies à la maison pour pouvoir me payer une nourrice et continuer à venir. Il était très dur pour moi de me concentrer sur mes études avec mon enfant dans les bras. Aujourd’hui je pense à moi, à mon mari, à ma fille. Je me suis spécialisée en couture et par la suite j’aimerais ouvrir ma boutique. Mon plus grand souhait serait de devenir la marraine de l’association RABEC. Ce serait pour moi le plus beau des cadeaux afin de les remercier à leur juste valeur ».
Plus d’informations :
Adresse : 1045 Usine Niary Tally Dakar
BP 10568 Dakar Liberté Sénégal
(221) 33 864 27 36