Nouvelles de Dakar Le magazine des Dakarois
Sa grande taille l’impose. Son regard, dissimulé derrière ses lunettes de soleil aux verres bien teintés, intimide. Un grigri accroché autour de son cou, lui provenant de sa confrérie, les Mourides, casse son style de rappeur US… Chemise ample et Jordan aux pieds.
Waly Faye, alias Yolass, est un rappeur consacré en prison, à Rebeuss, où il a été incarcéré trois fois entre 2002 et 2013. Aujourd’hui, il essaie de se faire une place dans la société et de s’imposer dans le milieu du rap sénégalais avec la sortie à venir de son nouvel album « Ndank Ndank ». Artiste engagé, il affiche son soutient au Président Macky Sall et lui clame même son admiration dans une chanson intitulée « Macky mogui job ». Waly Faye est également le fondateur de l’association Nioune Akk Yene (“nous et vous” en wolof) qui veut faciliter la réinsertion, autant sociale qu’économique, des détenus. Rencontre.
Comment est née l’association Nioune Akk Yene ?
J’ai été en prison à plusieurs reprises. Lors de ma dernière incarcération, j’ai pris conscience qu’il n’était pas normal de retourner en prison. Ainsi en 2013, j’ai voulu créer l’association Nioune Akk Yene d’une part pour sensibiliser les jeunes qui n’ont jamais fait de prison aux méfaits de ce monde là. D’autre part, pour essayer de “récupérer” les ex-détenus afin qu’ils ne soient pas récidivistes. L’association est une idée partagée par plusieurs ex-détenus de la prison pour prévenus de Rebeuss. Pour nous, il est clair que la liberté n’a pas de prix, et qu’il faut tout faire pour la sauvegarder. La prison n’est pas notre place, nous devons travailler dignement et gagner honnêtement notre vie. C’est pour cela que nous plaidons pour la création de centre de réinsertion social.
En tant qu’ancien détenu cela n’a pas été difficile de monter un projet, d’acquérir la confiance des autres ?
Quand tu sors de prison, les gens se mettent à se méfier de toi. Ça n’arrange rien. En 2013, nous avons fait les démarches auprès des administrations compétentes pour que l’association soit reconnue. Elle ne l’est que depuis 2015. Par ailleurs, nous avions réussi, alors même que nous n’étions pas reconnus comme une association, à organiser une conférence sur l’intégration des ex-détenus dans le développement de la société à la prison de Liberté 6. Nous avions négocié, également, pour que des marabouts nous accompagnent et nous avions pu parler avec beaucoup de prisonniers dans le cadre de notre campagne de sensibilisation.
Aujourd’hui, nous avons 250 adhérents et nous organisons des conférences, une fois par mois autour de thèmes qui touchent particulièrement les jeunes de Grand Yoff (son quartier natal, ndlr). L’association a la confiance de notre quartier. Pour mon album, c’est autre chose, je n’ai que très peu de soutiens.
D’ailleurs, de cet album, le public a pu découvrir votre admiration pour le Président Macky Sall, à travers une chanson que vous lui avez dédiée. Quelle importance accordez vous à votre engagement politique ?
Depuis 1960, il n’y a jamais eu un rappeur qui aborde de façon positive le gouvernement. Or, il faut faire savoir aux Sénégalais ce qu’il se passe et quelles sont les avancées et les projets de notre Président. Alors, j’ai réalisé avec grand plaisir cette chanson afin de montrer au peuple qu’il est important de soutenir le Président car ses ambitions pour le pays sont bonnes !
Vous critiquez souvent le mouvement “Y’en a marre”. Vous êtes contre le fait qu’il y ait des « partis/ mouvements » d’opposition dans votre pays démocratique ?
Dans un premier temps, je crois que l’on ne sait plus si c’est une association ou s’ils tendent à devenir un parti politique. Ensuite, ils pensent que la “chute” d’Abdoulaye Wade n’est due qu’à leur action. Enfin, au début ils allaient dans le sens de la population, aujourd’hui il semble qu’ils n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts. Je pense que leur combat ne nous mène nul part et je suis pour l’objectivité. C’est-à-dire qu’il faut aussi reconnaître les bienfaits du mandat de Macky Sall.
Si vous deviez critiquer une action du Président, laquelle serait-elle ?
La décision de son gouvernement quant à l’emprisonnement de Khalifa Sall, le Maire de Dakar. Nous connaissons la prison et nous ne le souhaitons à personne. De plus, je ne pense pas que l’affaire aurait du remonter aussi haut dans la hiérarchie étatique.
De notre rencontre avec le rappeur Waly Faye, ou plutôt Yolass, nous retiendrons son attachement profond pour le bon développement de son pays ainsi que sa volonté d’aller de l’avant et de positiver… parfois même un peu trop peut-être. Pas aussi intimidant qu’il en à l’air, sa façon de penser s’inscrit surtout dans une logique de bien-être collectif. D’un mélange de tendresse et de révolte, soutenu par un discours franc, Waly Faye souhaite à tout prix contribuer à la guérison des maux sénégalais.
