Cinq étudiants belges ont décidé de lutter contre l’accumulation des déchets plastiques qui jonchent les rues dakaroises. A l’aide de trois machines, ils entendent recycler cette matière très présente dans le quotidien des Sénégalais pour lui donner une nouvelle vie. Basé à Yoff, le concept « Precious Plastic », espère bien changer les comportements et à terme essaimer à travers le pays.
Pendant deux mois, Karen, Jens, Masha, Jitse et Yehbonne ont fait de Yoff leur terrain d’expérimentation. Ces étudiants de l’Université de Louvain avaient en effet décidé de mettre à profit leurs congés estivaux pour faire du bénévolat à l’international. Soutenus par l’AFD (Academics For Development), une structure qui propose aux étudiants de mener mondialement des projets dans divers domaines, et par l’agence de voyage Joker, l’équipe travaille un an en amont pour élaborer sa mission au Sénégal. C’est suite à leurs échanges avec Yasmina Akkouh, gérante de Via Via, auberge partenaire de Joker, qu’ils prennent conscience de la question des déchets : sacs plastiques, déchets ménagers, papiers divers, etc s’accumulent dans les rues de Dakar, et plus globalement dans tout le pays. Après des recherches plus approfondies sur la situation, « nous avons décidé d’axer notre projet dans le domaine du recyclage. L’idée était de trouver un concept capable de lutter contre cette pollution dramatique », explique Jitse.
Un concept écologique
Après avoir récolté 2 400 euros (pour achat matériel) via une campagne de crowdfunding, l’équipe débarque ainsi à l’auberge de Yoff début août 2018 pour y importer un concept écologique : « Precious Plastic ». Lancé en 2013 par le Hollandais Dave Hakkens, « Precious Plastic » entend recycler les tonnes de plastiques divers qui s’accumulent chaque année dans le monde, polluant chaque jour un peu plus la planète. Pour ce faire, trois machines, facilement constructibles et abordables, déchiquètent, chauffent, font fondre et compressent la matière afin de faire de nos vieux plastiques non utilisés de nouveaux outils designs et recyclés.
S’appuyant sur les plans et conseils d’Hakkens gratuitement consultables sur internet, les jeunes Belges décident de faire fabriquer localement les fameuses machines : « Au départ on pensait ramener les matériaux d’Europe, comme le moteur, et faire seulement de l’assemblage ici. Puis on s’en rendu compte qu’il y avait tout ce qu’il fallait ici et des personnes qualifiées pour le faire donc autant faire travailler les locaux ! » rapporte Jens. Seules deux pièces ont été importées, faute de temps pour les faire fabriquer au Sénégal. Les machines fonctionnent avec toutes sortes de plastiques, le plus évident restant tout de même les bouteilles. Seul impératif que le plastique soit propre : pas de vestiges de nourriture autorisés !
Situées dans un local appartenant à l’auberge Via Via, le local sera ouvert une fois par semaine pour récolter les plastiques. « Pour chaque kilo déposé, la personne repart avec 75 cents » détaille Masha qui explique que sans cette contrepartie financière, les habitants du quartier ne sont pas prêts à venir spontanément. Pas encore.
De nouvelles possibilités
Si le but est de nettoyer le quartier pour se débarrasser du plastique indésirable, le concept de « Precious Plastic » va aussi plus loin. « L’idée ce n’est pas seulement de récupérer le plastique mais de monter que l’on peut le recycler en en faisant quelque chose » insiste Karen. Vase, poignée, branches de lunettes, sac, coque de téléphone,…autant d’ustensiles réalisés à partir de bouteilles, sacs, jouets, bidons et autres plastiques. Ces créations seront ensuite mises en vente au sein de l’auberge auprès de sa clientèle ou exposées lors de marchés. Les bénéfices réalisés serviront ainsi à rémunérer la personne chargée du local, payer les dépôts et effectuer la maintenance des appareils.
Le recyclage permettra également de réaliser des matériaux de décoration (revêtement mural) ou des supports artistiques. L’artiste Kalidou Kassé souhaite par exemple récupérer ceux-ci pour ensuite les retravailler et les inclure dans ses œuvres. Autres projets dans le futur : nouer des partenariats avec les restaurants, boutiques, club de rugby, écoles pour sensibiliser et récolter leurs déchets plastiques.
Un projet qui attire
Via son association Sunu Sénégal, qui propose des projets de bénévolat dans le social, le sanitaire ou l’éducation aux citoyens Belges, Yasmina Akkouh espère que d’autres bénévoles prendront le relais et viendront enrichir l’initiative des cinq étudiants, déjà repartis dans le plat pays.
Pour l’heure, le local de Yoff, est la seule réalisation « Precious Plastic » au Sénégal. Mais le concept intéresse d’ores et déjà : plusieurs habitants de Dakar mais aussi des régions souhaitent également construire ces machines. Un état d’esprit fidèle à celui de Dave Hakkens : « Precious Plastic » a essaimé partout dans le monde et compte aujourd’hui une importante communauté, présente sur tous les continents, soucieuse de répondre à la problématique mondiale que sont les déchets plastiques.
L’équipe de Dakar recherche des personnes pouvant réaliser des moules en métal afin de pouvoir fabriquer des objets recycler. N’hésitez pas les contacter!