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Un tournage d'une vidéo de cours d'EAS.©EAS

La vidéo au secours de l’éducation avec Écoles Au Sénégal

Avec un système éducatif qui laisse à désirer faute d’enseignants bien formés et des moyens limités, le Sénégal voit son niveau baisser chaque année un peu plus. Un constat désolant que Chérif Ndiaye entend bien changer grâce à Écoles Au Sénégal (EAS), « première plateforme didactique d’Afrique francophone ». Cette association à but non lucratif diffuse gratuitement via sa chaine You tube et son site, des vidéos de cours allant de la 6eme à la terminale. Des vidéos pour aider à réduire les inégalités, lutter contre le décrochage scolaire et revaloriser ainsi l’éducation sénégalaise.

Le tournage d’une vidéo de cours d’EAS.©EAS

Depuis 10 ans, le Sénégal comptabilise moins de 40% de réussite au bac chaque année. Un résultat peu satisfaisant surtout quand on sait que se sont souvent les élèves du privé qui repartent diplômés. Ces disparités sont encore accentuées suivant que l’on habite à Dakar ou en région. Conditions précaires – le Sénégal compterait plus de 20 000 « abris provisoires » faisant office de salles de cours- classes surchargées, manque de formation des professeurs,… autant d’éléments qui expliquent ce faible taux de réussite, l’important décrochage scolaire dans le pays, pour au final un enseignement éloigné des besoins du marché du travail.

Offrir à tous les mêmes chances de réussite scolaire

En 2012, à cause du contexte électoral, les cours ont cessé durant 2 mois. « Il était important de faire quelque chose pour que les élèves ne pâtissent pas de la situation », raconte Chérif Ndiaye, fondateur de l’agence de marketing sociale Sign Up et créateur d’Écoles Au Sénégal (EAS). Chérif se décide donc à agir. Dans un premier temps, ce diplômé d’une école de commerce rachète au ministère de l’éducation tous les programmes scolaires, de la 6eme à la terminale, pour un montant de 13 millions de Fcfa. Il les numérise pour en faire des PDF qu’il met ensuite gratuitement à disposition sur un site : Écoles Au Sénégal (EAS) voit le jour. Son tour du pays en 2013 afin de dresser un état des lieux des conditions d’enseignements et des besoins est sans appel : « ça ne va pas du tout, c’est une catastrophe ! ». Cette conclusion renforce sa volonté de monter un projet au fort impact social. Mais la phase test lui fait prendre conscience d’une réalité : « Les élèves n’étaient pas intéressés par les textes, ils préféraient regarder des vidéos » se rappelle le quadragénaire. Lui vient alors l’idée de convertir les textes en vidéos. Il débute avec 3 professeurs de mathématiques dont il filme les cours. Il adopte définitivement et uniquement les vidéos en 2014.

A l’inverse de la version écrite, les vidéos rencontrent rapidement un petit succès qui ne cesse de croitre. En moyenne, le site comptabilise 50 000 vues par mois. La chaine You tube compte presque 10 000 abonnés tandis que la communauté Facebook s’élève à 29 000 « amis ». EAS, association à but non lucratif, met ainsi gratuitement à disposition les programmes scolaires sur internet via You tube et son site. « Souvent les élèves moins doués dans une matière n’osent pas s’exprimer ou redemander. Avec les cours en ligne, ils peuvent revoir facilement les leçons, revenir sur un point moins bien intégré etc. Cela permet aussi de compenser le manque de suivi individuel, impossible dans une classe surchargée », argumente t il. Un moyen également de rendre accessible des matières jugées complexes comme les mathématiques.

Et la formule semble fonctionner :

« Il ne se passe pas un jour sans que l’on ne reçoive un message de remerciement ou une demande de mise en ligne pour un cours manquant. On a beaucoup de retours positifs »,

se félicite celui dont les réussites scolaires des élèves sont les plus belles récompenses. Actuellement la plateforme propose des cours de Terminale, principalement scientifiques mais aussi quelques uns de la section littéraire, et des cours de 3eme (français, anglais, histoire, philo, physique chimie, maths et SVT). Environ 580 vidéos sont disponibles sur le site : elles durent entre 5 et 6 min, sont en Français mais on trouve également des cours de maths en wolof. Des exercices corrigés permettent d’approfondir les leçons. A terme, le fondateur d’EAS espère pouvoir proposer les cours de la 6eme à la Terminale et même élargir aux formations techniques et supérieures.

« EAS est aussi un outil pour apprendre à utiliser les technologies de l’information et de la communication. La technologie peut être un support formidable, il faut savoir l’exploiter » note Mr Ndiaye. Des moyens qu’on pourtant bien du mal à utiliser de nombreux enseignants.

« Immortaliser le savoir »

Au départ, les enseignants étaient plutôt réticents et méfiants à l’idée d’être filmés. Chérif les rémunère à l’heure pour les convaincre de diffuser leur savoir en ligne. Petit à petit devant le nombre de vues et grâce au bouche à oreille, ils sont plus nombreux à valider le concept et à vouloir rejoindre l’aventure.  « Ce projet a été pensé avant tout pour les élèves mais c’est aussi un moyen de valoriser ces « soldats de l’éducation ». Il faut immortaliser ce savoir qui se perd », insiste Chérif Ndiaye. Les tournages se font après les heures de cours, dans les salles de classe à Dakar, la plupart des professeurs filmés exerçant dans la capitale. Mais « les professeurs des régions aussi veulent participer et être filmés ! » s’enthousiasme t il.

Le recrutement des professeurs se fait via un appel de candidature, suivi d’un entretien. Auparavant, seuls les professeurs du public et possédant une expérience de 10 ans était retenus. Depuis les critères se sont un peu assouplis mais la qualification et la pédagogie restent les priorités. Ainsi, chaque professeur est choisi pour la matière, le chapitre qu’il maitrise le mieux. « Le but est de sélectionner le meilleur dans chaque domaine » rappelle t il. La formation des enseignants reste en effet une épine dans le pied de l’enseignement au Sénégal : de 2 ans après la licence, la formation est passée à 6 mois. Une réduction loin d’être bénéfique. A cela s’ajoute, le manque criant d’enseignants dans certaines matières, à l’instar de la philosophie. Dakar a tendance à concentrer les « meilleurs » professeurs, dépeuplant les régions. De nombreux vacataires, sans formation, y sont envoyés en renfort. Sans parler des centaines de fraudes des concours de recrutement des enseignants

Chérif Ndiaye espère qu’EAS mutera bientôt en École Africaine du Savoir avec une présence dans une dizaine de pays africains. En effet, le Sénégal n’est que la phase pilote d’un projet plus global : une filiale a été ouverte en Guinée et au Maroc, d’autres sont prévues en Côte d’Ivoire, au Gabon,… Cette fois ci, pas d’association à but non lucratif mais des entreprises à fort impact social. Et d’ici 2025, c’est l’ensemble du continent africain qu’il souhaite couvrir, en langues locales.

Une initiative récompensée

L’association Écoles au Sénégal est financée via les bénéfices réalisés par l’entreprise Sign Up. Depuis le lancement du projet, Chérif Ndiaye a ainsi investi environ 160 millions de Fcfa. Mais afin de mettre en ligne toutes les leçons du programme du secondaire, d’autres apports financiers sont essentiels.

Heureusement, EAS a pu compter sur plusieurs récompenses récoltées lors de concours. Ainsi en 2013, l’association a remporté le prix de la Fondation France Télécom pour le numérique  ou encore le prix de l’entrepreneur social africain en 2014.

D’autres collaborations sont d’ores et déjà de beaux succès : le partenariat avec la Direction de l’alphabétisation et des langues nationales (DALN), le soutien du groupe ISM, l’intégration du projet dans le prestigieux lycée Prytanée militaire de Saint-Louis ou le projet de diffusion des vidéos dans un programme TV.

Des soutiens qui contrebalancent l’inertie du ministère de l’éducation qui n’accorde aucune aide ni soutien à cette démarche, pourtant largement positive. « Avec ce système, en moins de 10 ans, le niveau se stabiliserait. Le gouvernement ne veut pas que cela fonctionne car les aides internationales s’en trouveraient réduites. Il a peur de l’innovation », se désole Chérif Ndiaye.

 

A propos Clémence Cluzel

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