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Soumbédioune, « le sanctuaire de l’artisanat d’art au Sénégal »

Fresque murale qui annonce l’entrée dans le marché artisanal de Soumbédioune / Photo © C. Cuordifede

C’est tout l’inverse des grands « shopping mall » à l’occidentale. Ici, il n’y a pas de grandes enseignes de vêtement mondialement connues, ni de marques de joaillerie luxueuses ou encore de maroquinerie en vogue. Les façades extérieures sont vétustes, les fresques murales, peintes par les artistes locaux, défraîchies et les vendeurs sont aussi les artistes. La décrépitude du lieu a son petit charme. C’est un marqueur du temps. Créé en 1961, et inauguré en 1966 à l’occasion du premier festival mondial des arts nègres (FESMAN), il est l’un des symboles historiques de la culture de l’art sur le continent africain.

Tissus wax, colliers de perles, bijoux fait d’argent ou d’or, chaussures et sacs en cuir, peintures sous verre, livres reliés à la main, gadgets traditionnels sénégalais fabriqués à partir de matériaux de récupération ou encore sculptures en bois d’ébène, le marché de Soumbédioune est riche des créations de ses artisans. Il s’agit de produits de valeurs et de qualité, ambassadeurs du savoir-faire sénégalais et représentatifs de la beauté et de l’identité africaine.

Des artistes nés

 « Nio far! » L’expression en wolof qui signifie « on est ensemble », reflète à la perfection l’ambiance sur le marché artisanal de Soumbédioune. Tous les artisans se connaissent et s’entraident. « On est tous plus ou moins né ici. En tous les cas on a grandi sur le marché et notre savoir-faire se transmet de génération en génération », raconte Tom, jeune vendeur de tissus et bijoux en tout genre.

 Les allées du village, qui regroupe près de 300 boutiques, sont désertées. Le soleil tape. Plus forte que les embruns, une odeur de sciure se fait sentir. Les vieillards veillent aux stands pendant que la nouvelle génération gère la production dans les arrières boutiques.

Installés sous d’immenses pièces de tôle, disposées en vrac, artistes et travailleurs s’activent à l’ombre… Surtout pas « dans l’ombre ». Singulier, novateur et à la fois ancré dans les coutumes d’antan, le village artisanal de Soumbédioune offre un privilège non négligeable à ses clients. Avant d’acheter un article, ils peuvent suivre le processus de fabrication, de l’artiste aux finisseurs (ponceurs, ciseleurs, limeurs). Un spectacle unique où le client prend conscience du travail minutieux réalisé avant que le produit fini ne soit exposé en boutique.

Accueillants et envieux de transmettre leurs connaissances, les artisans locaux proposent souvent d’entrer dans leur boutique, heureux de montrer le résultat de leur labeur.

Silhouette d’éléphant en bois d’ébène calée entre les orteils, couperet en main et concentration absolue, Ndiaga, sculpteur de bois, s’attèle aux finitions de trois statuettes. Entre deux gravures, il n’hésite pas à inviter ses potentiels clients à l’observer travailler en tandem avec son coéquipier. Il explique « celui-là, il coupe le bois et entame la forme de l’objet, ensuite il ponce et moi je fais les finitions. Six éléphants, ça nous prend environ cinq jours de travail. »

Ndiaga s’attèle aux finissions de ses éléphants en bois d’ébène /Photo © C. Cuordifede

Un peu plus loin, Emmanuel donne une seconde vie à des vieux livres. Il est le seul sur le marché à pratiquer la reliure d’art. Deux stands après le sien, Nouah, un fabricant de bijoux en argent, passionné par son travail, s’improvise de temps à autre, guide touristique pour les voyageurs désireux de découvrir la ville autrement.

Un tourisme de plus en plus effacé

 Depuis la construction d’infrastructures urbaines, notamment le tunnel, le marché de Soumbédioune a perdu de son charme au profit de l’urbanisation. Auparavant, le lieu était visible depuis le quai des pêcheurs à quelques centaines de mètres de là. La devanture attirait du monde. Dorénavant, usée, elle ne se voit plus depuis la route.

Enthousiaste et à la fois blasé, Tom reconnaît que les touristes se font de plus en plus rares. « Il y a toujours des cars de voyageurs qui arrivent jusqu’à nous. Seulement ce sont pour la plupart des personnes âgées qui prennent beaucoup de photos et qui n’achètent rien. On les appellent ”les couriés” en wolof », confie le jeune homme, un brin inquiet pour l’avenir du lieu qui l’a vu grandir.

Le président des chambres de métier du marché artisanal de Soumbédioune, Babacar Mamadou Touré est lui persuadé que l’endroit ne peut pas disparaître. « Soumbédioune, c’est le sanctuaire d’artisanat d’art au Sénégal. C’est un lieu incontournable pour qui voudrait visiter le pays de la teranga. » Sans nier tout de même que le chiffres d’affaires des artisans a été impacté. Cependant, il rappelle que le lieu ne se laisse pas aller à la dérive. « Chaque année l’État réfectionne des cases. Et nous avons également un projet de réhabilitation du village afin qu’il s’inscrive dans l’ère du temps, celle de la modernité », dit-il d’un ton sûr.

M.Touré signale aussi que la Chambre des métiers va apporter sa pierre à l’édifice pour la promotion du secteur artisanal à travers la formation, la commercialisation et le financement des artisans, qui restent ses missions quotidiennes.

Finalement, malgré la mauvaise passe économique qu’il traverse actuellement, le village de Soumbédioune peut compter sur ses artisans toujours motivés et prêts à faire découvrir aux curieux la richesse de leur pays à travers leur art.

 

A propos Celia Cuordifede

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